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Une semaine de culture, de films et de rencontres artistiques vient de se terminer à Victoria. En effet, du 3 au 12 février dernier avait lieu le Victoria Film Festival. Des films de productions indépendantes jouaient dans la plupart des salles de cinéma de la ville, dont le Blue Bridge Theatre, le très confortable Capitol 6, l’Odeon et le classique Vic Theatre. Des projections ont également été organisées sur The Prince of Whales, un bâteau transformé en cinéma!

  Au moment d’écrire ces lignes, nous venons d’apprendre quelles œuvres ont mérité des prix. Le long-métrage gagnant est The Eight Mountains de Felix van Groeningen et de Charlotte Vandermeersch. Deux films francophones se sont également illustrés : Viking de Stéphane Lafleur a remporté le prix dans la catégorie « Film canadien », et le « Choix du Public » a été décerné à Driving Madeleine de Christian Caron.

  L’équipe de la Société francophone a profité de l’opportunité pour voir quelques films. Voici le compte rendu de nos avides cinéphiles.
   

Viking

Faisant référence au programme Viking des années 1970 – celui qui a envoyé pour la première fois des robots sur Mars – le film Viking est une science-fiction qui alterne entre l’expérience psychologique et la comédie. Le réalisateur québécois Stéphane Lafleur, connu pour Tu dors Nicole (2014), a mis en scène la première mission de peuplement de la planète Mars. Cependant, la focalisation porte moins sur les astronautes, que sur les cinq cobayes qui ont été recrutés sur Terre parce que leurs profils psychologiques se sont avérés identiques à ceux de la mission. L’équipe terrestre recrée ici-bas les conditions de là-haut, isolement et rationnement inclus. Ils reçoivent même, à tous les matins, un mémo dictant l’émotion de la journée, mimant l’état d’esprit de l’astronaute qu’ils représentent.

  Selon Cédric, notre adjoint aux communications, ce film se situe dans la foulée des expériences sociales de Truman Show et d’Ex Machina : on place des humains dans des simulations pour évaluer leurs réactions psychologiques. La différence, ici, est que les sujets sont conscients, volontaires et prennent la mission très au sérieux. Stéphane Lafleur, néanmoins, joue habilement sur les différents niveaux de narration : que la mission relève d’une importance nationale n’enlève rien à l’absurdité et à l’humour de certaines situations; que l’on essaye de reproduire au meilleur de nos compétences les conditions martiennes ici-bas, il n’en demeure pas moins que de nombreux éléments briseront l’illusion de réalité. Cette alternance entre le sérieux, les concepts philosophiques et l’analyse psychologique des personnages et l’auto-dérision font de Viking un film qui mérite tout à fait la palme du meilleur film canadien.
   

The Ordinaries

  Catherine, responsable aux communications, est allée voir The Ordinaries, dirigé par la réalisatrice allemande Sophie Linnenbaum. Le synopsis, dit Catherine, l’a captivé du premier coup. Et en effet, il y a de quoi être intrigué! L’histoire se situe dans un univers imaginaire, inspiré par le monde du cinéma. Celui-ci se divise en trois classes sociales : les personnages principaux, les personnages secondaires et les « outtakes », les scènes retirées du montage final. Le personnage principal, Paula, se situe (paradoxalement) dans la seconde classe et cherche à devenir, comme son père, une tête d’affiche. Catherine a particulièrement aimé la dimension fantaisiste, surréelle et référentielle du film – The Ordinary cite de nombreux films hollywoodiens! 

  Catherine recommande ce film pour ceux et celles qui souhaitent découvrir une nouvelle réalisatrice qui continuera à réaliser des œuvres percutantes dans les années qui suivent.
   

Pacifiction

  Casey, le directeur de la Société, et Cédric ont vu Pacifiction du directeur catalan Albert Serra, un film hypnotique de presque trois heures. Un haut-commissaire français visite Tahiti et rencontre les différents acteurs politiques du territoire d’outre-mer, autochtones et non-autochtones. La population locale requiert l’appui du politicien français dans leur lutte contre de potentiels essais nucléaires sur l’île. Pacifiction alterne entre le film d’ambiance et l’intrigue politique, mettant au premier plan les dynamiques coloniales de la France. Si l’esthétique du film est irréprochable, il demeure très long, assez fragmentaire; Casey et Cédric ont peiné à suivre le fil narratif de cet opus. Néanmoins, cet obscurcissement est le résultat du travail cinématographique d’Albert Serra qui, en se concentrant sur la perspective du Haut-Commissaire, cherche moins à jeter une lumière facile sur les événements qu’à compliquer et à rendre incertaine la ligne qui démarque la vérité de la fiction politique (pour reprendre le titre).

  Vous souhaitez vous embarquer dans un périple cinématographique et politique? Cédric et Casey considèrent que ce film est pour vous.
   

Godland

  Après une nuit à multiplier les pistes d’interprétation du film Pacifiction, Cédric a décidé de s’embarquer dans une nouvelle aventure cinématographique de longue durée : Godland, réalisé par l’islandais Hlynur Pálmason. Dans ce film de deux heures, un prêtre danois, Lucas, est mandaté de construire une église chrétienne dans une petite communauté aux confins de l’île. Le film met l’accent sur le décalage et l’adaptation culturelle : le prêtre ne connaît ni la langue, ni les coutumes et en toute honnêteté, il ne possède presque aucune expérience du monde. Malgré tout, il persiste à affronter les conditions météorologiques et les difficultés naturelles de l’île, parce qu’il est animé d’une quête toute personnelle, celle de photographier les paysages et les Islandais. D’ailleurs, le scénario du film a été inspiré par la découverte d’archives photographiques du 19e siècle.

  Si le film est, comme Pacifiction, plutôt lent et contemplatif, de nombreuses ruptures dans le ton, parfois ironique, parfois carrément comique, ont causé des éclats de rire dans la foule. Ces moments ont allégé un film autrement sérieux, portant sur l’histoire des tensions politiques entre l’Islande et le Danemark. Enfin, la magnifique cinématographie de Godland nous emmène en un long voyage fascinant le long des côtes de l’Islande et rend justice à ses paysages d’une splendeur à couper le souffle.
   

When you finish saving the world

Jesse Eisenberg, connu pour son jeu d’acteur – il a incarné Mark Zuckerberg dans The Social Network, par exemple –, réalise son premier film intitulé When you finish saving the world. Selon Foster, adjointe à la programmation, le film dresse un habile portrait d’une famille dont la dynamique peut être comprise par tous et toutes. Evelyne (Julianne Moore) est propriétaire d’un centre d’aide pour femmes, tandis que son fils Ziggy (Finn Wolfhard) cultive une passion pour la musique et n’ayant de souci que pour ses abonné.e.s. Le film met ainsi en place une tension entre la politique et la culture du divertissement en ligne, tension qui mène souvent, selon Foster, à des moments absurdes et cocasses. Les choix cinématographiques de Jesse Eisenberg ont renforcé à plusieurs reprises l’effet comique.

  When you finish saving the world, on le comprend, se penche moins sur une histoire, une quête, que sur le développement des personnages. Et loin de se terminer par une résolution attendue et un peu clichée, la tension, nous assure Foster, se prolongera au-delà du film. Il s’agit donc d’un drame familial subtil et complexe, et on salue Jesse Eisenberg pour son premier long-métrage!